Il y a un an tout juste, mon ami Alain décédait.
Cancer des poumons, diagnostiqué à peine trois mois avant son départ pour l’au-delà.
Il avait été mon amoureux fut un temps et nous avions réussi à transformer cette relation en véritable amitié, sans rancœur, sans jeux de séduction. On ne se voyait pas très souvent mais j’aimais le retrouver pour un café, un apéro, aller marcher parfois en forêt. il répondait toujours à mes demandes, invariablement présent et à mon écoute.
LA PLUS BELLE LEÇON D'ÉCOUTE
Cette fois, c’est lui qui me donna la plus belle leçon d’écoute que j’ai pu recevoir dans ma vie. D’abord pour écouter et suivre mes propres intuitions. Ensuite pour l’écouter lui, dans cette chambre de l’hôpital St Joseph à Lyon. Comment être là pour lui de la façon la plus juste possible ?
J’essayais d’aller lui rendre visite une fois par semaine pour passer l’après midi à ses côtés. Car ma première intuition fut qu’il ne retournerait jamais chez lui. Il est difficile d’expliquer pourquoi et comment on peut savoir ces choses là, d’une façon si absolue, avec ses tripes, quand l’information inverse vous est donnée, et redonnée. Les médecins avaient mis en place un protocole de soin. Une question d’un mois ou deux et les choses rentreraient doucement dans l’ordre.
Alain me parlait de tout ce que la maladie remettait en question sur sa perception de la vie ; de sa difficulté à se voir dépérir physiquement, de la honte qu’il en ressentait. Il était toujours tellement smart et charismatique ! Il me parlait de ce qui lui manquait, des choses qu’il voulait changer et de tout ce qu’il ferait à sa sortie d’hôpital. De Sa Grande Métamorphose, comme il disait. Je n’ai jamais su s’il savait ou pas. En employant ces mots.
LA GRANDE MÉTAMORPHOSE
J’ai tendu quelques subtiles perches de temps à autre. S’il avait envie de parler de la mort, j’étais là. Mais non, il voulait uniquement parler de la vie et je l’ai bien évidemment suivi sur ce chemin.
Pourtant, ma conviction secrète et profonde qu’il allait mourir bientôt a tout changé dans ma façon d’être à ses côtés. Je n’ai rien pris à la légère. Nous étions dans une affaire grave. C’est fou, quand on accepte de regarder la vérité en face, aussi noire et douloureuse soit-elle comme de la beauté peut vous apparaître finalement.
Il souffrait énormément. Les cellules cancéreuses avaient atteint les os de la colonne vertébrale. Il ne pouvait quasiment plus marcher.
J’arrivais toujours avec des petites sucreries. Je m’asseyais face à lui et on « papotait ». Sa diction parfois très lente m’obligeait à beaucoup ralentir mes élans habituels. J’étais comme aux aguets, dans cette écoute fine pour m’accorder à son rythme, à sa tonalité, à ses capacités du moment. J’ai peu à peu trouvé ma place dans ces moments si délicats et difficiles émotionnellement.
FAIS-MOI ENCORE TON LANGAGE BIZARRE
Lors des dernières visites, je me sentais dans une réelle joie d’aller le voir et repartais emplie de quelque chose de très beau et lumineux. Nous avions trouvé notre petit rituel. Après un moment d’échanges et de grignotage, il allait s’allonger sur son lit et je faisais des sons pour lui. Je lui demandais de quoi il avait besoin et c’était parti. Le plus souvent il me demandait de la paix… Je laissais faire ma voix, comme dans mes soins en bioénergie. Les sons venaient, parfois étranges ou comiques, parfois chantés, ou encore en proto-langage,… Et le voilà, lui, partant dans en état modifié de conscience en quelques secondes. Je n’ai jamais vraiment su si la rapidité et la profondeur de sa transe était liées à la confiance qu’il m’accordait, aux traitements médicamenteux, ou encore si sa souffrance faisaient tomber toutes les barrières habituelles des protections psychiques.
On partait en voyage tous les deux. Malgré l’incongruité de la situation dans cette chambre d’hôpital et ma crainte qu’une infirmière n’entre dans la pièce.
Ensuite, on se racontait ce qui s’était passé. Ses sensations étonnantes, les images pour lui. L’effacement de la souffrance aussi dans cette distorsion du temps. Puis à mon tour, je partageais les informations perçues, en prenant mon temps et en détail, avec tout ce que cela m’inspirait.
Je me souviens notamment d’une histoire autour d’un haricot que je voyais pousser dans son ventre et comment nous nous étions amusé à retrouver et à lire le conte de Jack et le haricot magique. Il me disait : fais moi encore ton langage bizarre.
DONNER
Dans ces instants là, j’avais la sensation profonde d’être à ma juste place et c’est un cadeau immense qu’il m’a fait en s’abandonnant à ma voix. En me laissant donner ce que je pouvais donner.
Il est parti en décembre 2023, alors que je rentrais tout juste de ma formation en Kundalini Activation pour quelques jours à Paris.
Là, il m’a fait un dernier cadeau époustouflant.
Je vous le raconterai dans mon post n°32.
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